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Ce 26 avril, à Montreuil, Anton Newcombe enchaîne les interviews depuis midi. Désormais sobre, la tête pensante du Brian Jonestown Massacre assure la promo de Who killed Sgt. Pepper ? le onzième album du groupe. Après le Printemps de Bourges, le Brian Jonestown Massacre joue à Paris, dans la salle du Bataclan, avant de s'envoler pour l'Allemagne et les Etats-Unis.

De la petite pièce où se déroulent les entrevues reflue des odeurs de fauve et d’écurie ; traduction en senteurs des émotions d’une dizaine de journalistes, venus ausculter celui qui s’est couronné roi du rock indé contemporain. Lequel déblatère encore, quand j'arrive vers 19h, sur Picasso, les Beatles ou la politique. Plein de Gingerbeer (sans alcool !) qu’il boit dans des coupes à champagne en plastique, il se lève pour pisser tandis qu’un tas de touillettes à cafés brisées rejoignent le sol. BAM, se cogne la tête contre la fenêtre ouverte en se rasseyant dans le canapé. C'est le moment de se lancer à l'assaut de l'esprit, torturé et génial, d'Anton Newcombe.


Au fur et à mesure de tes albums, tu utilises de plus en plus d’échos et de réverb… Tout est un peu noyé dans le son, non ?
C'est vrai que j’ai pas mal fait ça ces derniers temps. Je me suis amusé à jouer avec l’écho. L’idée me plaisait…  créer quelque chose qui ne pourrait pas l’être une deuxième fois.

Tu veux dire qui ne pourrait pas être joué en live ?
Techniquement, je suppose qu’on pourrait le jouer, mais l’idée intéressante avec le travail sur les échos, et les échos des échos, c’est qu’au final, le son que tu as n’existe pas. Je veux dire, il n’y a pas d’instruments derrière le son que tu obtiens. L’écho est une entité à part entière. Il n’existe qu’une seconde... Ca me plait de penser que si je meurs, personne ne pourra copier ce travail, ou le remixer. Quel que soit la qualité du truc, les morceaux ne sont pas parfaits. J’essaie juste de créer une sorte de magie sonore. Ca a commencé sur We are the radio avec Sarah (Sarabeth Tucek, ndlr) en 2005, j'ai été attiré par ça et j’ai continué à travailler dans cette direction. Mais ce n’est pas le seul truc sur lequel je bosse : j’écris toujours de la musique plus « classique », acoustique... c’est juste que je ne présente pas tout à tout le monde, tout le temps.

Tu t’intéresses aussi à la vidéo, avec ces petits films originaux postés sur le net pour les chansons de Who killed Sgt Pepper…
Oui, j'ai commencé à m'intéresser à la vidéo en 2007 pour l'album My Bloody Underground.

Et Who Killed Sgt Pepper a vraiment un côté très cinématographique. Je pense à faire un court métrage après la tournée, peut-être avec mon ingé son, qui est alsacien... Les vidéos donnent une autre dimension à la musique; quand le mélange est réussi, tu ne sais plus si le message qui te parvient, celui que tu vas retenir, est le film, la musique ou l'association des deux. Utiliser des vidéos cheap, originales ou détournées, c'est aussi un pied de nez à toutes ces conneries de clips bling bling, qui valent des millions de dollars et qui te montrent des gens débiles.

Matt Hollywood est de retour sur cette tournée, après neuf ans d’absence. Tu as prévu de bosser avec lui sur de nouveaux disques ?
Oui. Après la tournée, il devrait rester un peu avec moi à Berlin pour enregistrer de nouveaux morceaux acoustiques, du genre Love forever changes ou Robber soul. J’ai envie d’un petit orchestre, ou peut-être juste de cordes et de vents… Et je veux aussi venir en France pour enregistrer un album en Français.

Avec des artistes français ? tu as déjà des idées ?
Non, pas encore. Parce que tout le monde est sceptique. Mes amis disent que que le français est vraiment une langue pourrie quand tu veux faire du rock’n’roll. Ce qui me donne encore plus envie de le faire !

C’est vrai que la langue française ne se prête pas tellement au format rock’n’roll !
Tu as tort ! Quand j’écoute Leonard Cohen sur The Partisan, (La complainte des partisans, chant de résistance durant la seconde guerre mondiale, ndlr) avec cette fille qui chante en français, c’est magnifique, même si elle parle de fermièrs et de combats de résistants. Quand j’écoute de vieilles chansons françaises jazz, du Brel, ou Dutronc… c’est toujours beau. Il n’y a pas de raison que vos mots ne se prêtent pas à l'énergie rock. C’est sûr que si on se dit « ok, voilà j’ai  mes paroles, je vais les faire rentrer dans une chanson rock’n’roll d’1mn 20 », ça va être du boulgi-boulga inaudible. Je  vais pas faire ça, je vais ralentir le tempo et traiter le mot comme de la musique, le faire monter en intensité... Comme un opéra.

Tu te perds parfois dans ta musique? Quand tu passes des jours en studio à triturer du son, est-ce qu'il ne t'arrive pas de relever la tête et dire « oula, je suis où là, je fais quoi ? »
Oui ça arrive, quand on travaille en studio avec plein de gens, qu’on est tous défoncés, à faire une musique de dingue et tout d’un coup tu sais, on se dit « putain, ce son est flippant, woooow qu’est-ce qui se passe ?! »  mais sinon… ouais, ça m’arrive quand je suis seul. Mais le truc le plus étrange avec ma musique, c’est qu’elle bouge, elle est changeante : quand tu l’écoutes sur l’ordinateur, derrière un bureau, ça va sonner bizarre, faux, t'as a le sentiment qu’on ne joue pas bien… mais à partir du moment où tu es en voiture, ou si tu l'écoutes sur ton Ipod, là ça prend une autre dimension et tu te dis « wooow », tout bouge, t’es emporté par le truc. C’est tellement bizarre. Ca me fait marrer !

Où en est le Committee to keep music evil, le label que tu as monté avec Rob Campanella (claviers) ? Il fonctionne toujours ?
Rob s’en occupe toujours : s’il veut, il peut utiliser son argent pour aider les groupes qu’il aime. Mais ce truc fonctionnait avec mon pognon, et c’était un peu comme s’il voulait apparaître comme le mec cool, genre « ok, je vais t’enregistrer avec mon matos, t’inquiète », tout en utilisant mon fric pour le faire ! Ca ne me convient pas. Je n’ai pas besoin de payer des groupes pour être une sorte de chef, les faire bosser dur pour qu’ils enregistrent un album qui ira à quelqu’un d’autre. Je préfère leur filer un coup de main pour un enregistrement, faire une chanson avec eux ou les mettre en contact avec mes distributeurs, les recommander à des gens… Mais je ne veux pas bosser avec des gens qui n’ont pas le même sens éthique que moi sur le sujet, tu vois ?

Il y a aussi tout ce truc autour des groupes, les supporteurs omme les casseurs leur faire croire qu’ils seront le prochain gros succès…la logique commerciale voit la musique comme du divertissement, et c’est le genre de considération que je déteste à propos de l'art. Donc Rob peut faire ce qu’il veut, j’ai laissé tombé. Je ne lui en veux pas, j’ai juste dit dit « ok, merde tu peux l’avoir, ciao ».  Je ferai mon propre truc, à ma façon. Parce que je n’abandonnerai jamais, tu vois ? C’est pas mon style.

Tu as enregistré quel types de groupes ?
A Berlin, on a enregistré les Dead Skeletons, d’autres groupes en Islande. J’aimerai aider d’autres groupes étrangers, pour rencontrer des gens. En Allemagne, on a enregistré un groupe, les Blue Angel Launch. Un peu le même style que nous, mais allemands. Des gamins, entre 17 et 20 ans. Magnifique !


Tous ces jeunes, qui avec Internet, peuvent télécharger toute la musique qu'ils veulent, enregistrer leur musique facilement et tout mettre sur Myspace... tu vois ça comment ?
Tu sais, au début il n'y avait pas de musique sur Myspace, j'ai été le premier à en mettre...

Arrête…
Si, réfléchis ! J'utilise les réseaux sociaux pour promouvoir ma musique depuis 1993. Sur Finster, Napster, avant Myspace. Pour toucher les gens. Je me fous pas mal de pouvoir baiser des gonzesses avec Internet. Je veux dire, il y a des choses à dire que que “on  va baiser, maintenant !”. Les gens doivent travailler ensemble, échanger des idées, de la musique, des vidéos, monter des projets. Le mauvais côté du net, c'est que tu as des médias qui ont l'impression d'être dominants et de dicter les tendances. Et je veux détruire cette culture.

Comment tu comptes t’y prendre ?
Tu te lèves et tu leur dis ! Si j’avais écouté tout ce que m’a dit NME depuis 1999, genre « tes chansons sont pourries, tous tes héros sont pourris, tes idées et opinions c’est de la merde à 99 % et on ne trouvera jamais tes disques dans une boutique car naze »... Alors, tu leur dis d’aller se faire foutre ! Putain, ils pensent qu’ils sont si géniaux ? On vit vraiment dans un monde bizarre. C’est comme Pitchfork et tout ça, tu te retrouves face à des gens qui pensent qu’ils sont le truc, qu’ils créent l’Histoire, parce qu’ils écrivent un message, parce qu’ils l’écrivent ! C’est la même chose avec les infos, « où est Ben Laden », et toutes ces conneries.

En parlant de jalousie, tu es toujours pote avec Courtney et les Dandy Warhols ?
Ouais. On est potes, mais on est des groupes différents… je veux dire, je n’ai jamais voulu boire du champagne avec David La Chapelle, tu vois ?

Même au tout début de ta carrière ?
Je n’ai jamais voulu devenir une rock star.

Mais tu en es une, et tu le sais !
Ouais, mais ce n’est pas ce qui important pour moi…

Qu’est-ce qui est important pour toi aujourd’hui, tu as quoi, 40 ans ?
42. Je ne sais pas... à court terme… je veux juste faire un bon concert au Bataclan, que les gens apprécient, qu’ils passent un bon moment. Et pareil pour le prochain concert, finir la tournée… Ensuite… m’occuper de mon fils, faire des disques... Je crois que je suis assez brave finalement. J’aime l’aventure, la prise de risques. J’ai déménagé en Allemagne… je n’ai pas peur de perdre ce que j’ai. Si les artistes ne peuvent pas être libres de faire ce qu’ils veulent, qui le peut ? Les banquiers ? Le gens de pouvoir, quelques dictateurs tarés, jusqu’à ce qu’ils te rattrapent ? Des gens doivent pouvoir le faire, être créatifs, et en tirer une certaine recompense.

Fanny Stolpner

Les vidéos de Who Killed Sgt Pepper ? sont visibles sur le site https://www.brianjonestownmassacre.com/

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