Quand les noms de Daniel Avery, Working Men’s Club et Ghost Culture se retrouvent réunis sur la jaquette d’un EP, on pourrait s’attendre à une sorte de laboratoire sonore survolté, voire à une compétition d’egos masqués par les reverbs. Pourtant, Demise of Love n’a rien de l’exercice de style ou de la jam session improvisée entre têtes pensantes de l’électronique britannique. C’est un projet dense, court et précis (quatre morceaux, à peine plus de treize minutes), mais dont l’impact émotionnel dépasse largement sa durée.

La musique de Demise of Love est bâtie sur des tensions. Tension entre machine et voix, entre chair et abstraction, entre la pulsation du club et la solitude de l’après. L’EP évolue dans un clair-obscur élégant et inquiet, quelque part entre la techno introspective, le post-punk électronique et une certaine idée du romantisme industriel. On pense à ces morceaux de Depeche Mode qui n’étaient pas faits pour danser, mais pour se perdre, ou à la noirceur contenue des derniers disques de The Soft Moon. Il y a aussi dans la production une forme d’ascétisme : chaque élément semble pesé, chaque motif sonore calibré non pas pour séduire, mais pour insinuer.

Ce qui frappe ici, c’est la cohérence. Malgré la multiplicité des intervenants, Demise of Love parle d’une seule voix – froide, presque désincarnée, mais intensément humaine dans ses silences et ses battements irréguliers. Ce n’est pas un disque qui se raconte : c’est un disque qui s’éprouve. Il pourrait tout aussi bien évoquer un spleen amoureux post-club à 5 heures du matin qu’une errance mentale dans une ville étrangère, sous une pluie digitale.

On ne peut pas vraiment dire où commence et où finit la main de chacun de ces artistes.

 Est-ce Ghost Culture qui tire les nappes vers le velvet ? Daniel Avery qui durcit la rythmique ? Working Men’s Club qui infuse l’angoisse générationnelle avec leurs synthés tranchants ? Peut-être. Mais le plus impressionnant reste cette capacité à fusionner en un seul organisme : un hybride aux battements métalliques, à la peau synthétique, mais au cœur encore un peu battant.

Demise of Love fonctionne à la manière d’un cri étouffé, d’un dernier appel laissé sur répondeur, d’un sentiment qui n’a pas trouvé d’issue. On y parle d’échec affectif, sans jamais prononcer le mot "love" autrement que dans le titre. On y sent le vide laissé par les émotions, comme un creux rythmique dans une mesure électronique trop parfaite. Et ce sont justement ces accidents, ces fragments de voix tordus, ces pulsations qui se décalent, qui donnent au disque sa gravité.

En refusant toute complaisance, Demise of Love réussit là où beaucoup échouent : donner une forme sonore à ce que la perte laisse derrière elle – ni la colère, ni la nostalgie, mais ce vide granuleux, ce "rien" amplifié. Et dans ce vide, il fait naître une beauté discrète, presque fragile. Le genre de beauté qui ne saute pas aux oreilles, mais qui colle longtemps à la peau.

https://www.dominomusic.com/releases/demise-of-love/demise-of-love/10

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