Avec Better Dreaming, Merrill Garbus et Nate Brenner entament un virage subtil mais décisif dans leur parcours. Toujours guidé par une recherche de liberté rythmique et vocale, tUnE-yArDs revient ici avec un album plus intériorisé, plus mesuré, mais non moins intense. Là où les précédents opus brassaient un chaos joyeux de percussions, de samples bruts et de collages sonores effervescents, Better Dreaming donne l’impression d’un souffle retenu, d’une tension contenue qui se déploie progressivement. Et cette retenue donne paradoxalement plus de force à l’ensemble.

L’album s’ouvre avec "Heartbreak", où la voix de Merrill Garbus plane sur un groove syncopé qui rappelle leurs débuts tout en s’inscrivant dans une production plus épurée. D’emblée, le ton est donné : l’urgence n’est plus frénétique, elle est mentale. Suivent "Swarm" et "Never Look Back", deux morceaux au carrefour de la pop déconstruite et de la soul post-industrielle, qui semblent à la fois flotter dans l’éther et s’insinuer sous la peau. Ici, l’instinct rythmique de tUnE-yArDs est intact, mais il est canalisé au service d’un propos plus introspectif. Comme si le duo avait troqué la rage du combat contre l’épuisement doux-amer de l’après.
L’album Better Dreaming interroge l’éveil, la mémoire et la transformation.

"Suspended" en est un moment clé, véritable exercice de lévitation musicale où les synthés s’étirent comme une respiration lente. "Limelight", avec ses touches de funk synthétique, évoque quant à lui les faux-semblants du succès, un thème récurrent chez Merril Garbus. Son chant, toujours aussi acrobatique, se fait ici plus nuancé, glissant d’un murmure fragile à une clameur contrôlée. Sur "How Big Is The Rainbow", la question posée n’est pas anodine : Quel est l’espace laissé à nos rêves, à nos contradictions, à nos vérités changeantes ? Ce titre, à la fois enfantin et vertigineux, résume l’ambition de l’album — déconstruire pour reconstruire autrement.

Si l’album atteint un sommet, c’est peut-être sur le morceau qui a donné son nom à l’album,
près de cinq minutes de montée émotionnelle, où la production ciselée de Nate Brenner laisse respirer chaque impulsion. C’est à la fois dense et limpide, complexe mais profondément humain. La voix y devient un instrument de résistance, tordant la mélodie, suspendant le temps. "Sanctuary", qui ferme le disque, est plus qu’une conclusion : c’est un appel au lâcher-prise, un espace de retrait, un lieu intérieur où le bruit du monde s’estompe pour laisser place au champ des possibles.

tUnE-yArDs signe ici l’un de ses albums les plus accomplis, peut-être le plus cohérent. Moins explosif que Nikki Nack ou sketchy., Better Dreaming n’en est pas moins radical — il déplace le champ de bataille de l’extérieur vers l’intime. C’est un disque de désillusion lucide, mais aussi de reconstruction sensible. Une œuvre pleine de questions ouvertes, qui donne à entendre ce qui murmure en nous quand le vacarme se tait.

https://tune-yards.bandcamp

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