Avec Invierno en la playa, le trio chilien Chicarica s’offre un oxymore en guise de titre et un rêve en guise d’album. À mi-chemin entre la moiteur d’un après-midi sous perfusion synthétique et le flou d’une mélancolie diurne, ce deuxième long format confirme leur place singulière sur la scène hispanophone. Là où d’autres cherchent l’effet, Chicarica préfère l’évaporation :  celle des souvenirs, des corps, des mots.

Le disque s’ouvre sur “Cisne”, une piste aussi brève qu’introspective, où des nappes ambient dialoguent avec une voix douce comme une confidence. Très vite, Invierno en la playa s’installe dans un tempo suspendu, une sorte de langueur électro-organique qui rappelle le groupe Chromatics de leur album Night Drive, croisé avec l’esthétique sensible de Rosalía période Los Ángeles.

Mais ici, l’intime se pare d’électronique lente et de textures soyeuses. “Antes del día” déroule une mélodie presque enfantine sur un beat semi-lofi, tandis que “Odisea” s'aventure vers une forme de club music émotive, ralentie à l’extrême. Le chant, en espagnol, murmuré plus que chanté, agit comme un filtre de chaleur. Même les morceaux les plus dansants gardent cette épaisseur brumeuse, comme enveloppés d’un tulle nostalgique.

La grande force du trio réside dans son attention aux détails Clément. 

Et oui par exemple le choix des reverb, les glitches discrets ou encore cees nappes de synthé qui s’effacent. “Bosque de niebla” en est un parfait exemple : un morceau qui semble fondre dans sa propre ambiance, tout en racontant un paysage invisible. L’album évoque des lieux réels ou rêvés : plages désertes, forêts humides, villes vides à l’aube, sans jamais vraiment les décrire. “Visita guiada”, pièce centrale de plus de 4 minutes, est peut-être le sommet de cette écriture atmosphérique : une errance presque cinématographique, où les synthés paraissent glisser sur du verre.

Mais Invierno en la playa n’est pas un album figé dans l’esthétisme. “Parará” et “Ni tú a mí” apportent des pulsations plus affirmées, flirtant avec une pop synthétique qui n’aurait pas déplu à Maria Usbeck ou au duo Buscabulla. Ce sont des instants plus lumineux, sans jamais rompre l’unité douce-amère de l’ensemble.

La clôture “Que no se acabe” (littéralement : “que ça ne finisse pas”) résume bien l’état d’apesanteur dans lequel Chicarica nous plonge. Ce n’est pas un album qui impose, c’est un album qui invite : à ralentir, à ressentir, à se souvenir. Et dans un monde d’urgences et de formats compressés, c’est peut-être là que réside sa modernité.

https://chicarica.bandcamp.com/album/invierno-en-la-playa

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