Cinq ans après l’électrisant Push, Sextile signe son grand retour avec Yes, Please — un album qui condense plus que jamais l’essence de leur fusion cold wave/post-punk et club culture. Dès les premières secondes du bien nommé Intro, on comprend que le duo de Los Angeles n’a rien perdu de son mordant. Basses saturées, synthétiseurs acides et beats taillés pour des usines surchauffées : Sextile tire à vue, avec une jubilation contagieuse. Mais contrairement à certains groupes qui se perdent dans l’esbroufe électronique, Brady Keehn et Melissa Scaduto conservent un sens aigu du songwriting. Women Respond To Bass ou Freak Eyes en sont les meilleurs exemples : sous les nappes de machines et les rythmes frénétiques, une sensibilité mélodique perce, subtile mais essentielle.

L’album brille particulièrement dans sa capacité à faire cohabiter des esthétiques souvent cloisonnées, la froideur EBM, les élans rave, les réminiscences punk et les textures industrielles cohabitent sans jamais sonner forcés.

Push Ups déploie une techno minimale et hypnotique qui évoque autant Kraftwerk que les sound systems du désert californien. Soggy Newports, avec ses accents de darkwave, rappelle que Sextile n’a pas totalement coupé le cordon avec ses racines goth. Cette versatilité donne à Yes, Please une richesse et une dynamique qui le distinguent d’une simple relecture nostalgique.

Signe que Sextile assume pleinement ses influences transatlantiques, l’album s’offre une collaboration précieuse avec Jehnny Beth (Savages) sur le titre Push Ups. Sa voix tantôt lancinante, tantôt tranchante s’impose comme une évidence sur la trame acide et martiale du morceau.

Jehnny Beth injecte une tension charnelle qui rappelle les grandes heures de la cold wave européenne. Dans un registre plus synthétique mais tout aussi marquant, Izzy Glaudini (Automatic) prête sa voix sur Hospital. Son chant détaché et spectral plane au-dessus d’une ligne de basse vrombissante et de synthés modulaires grinçants. Là où Jehnny Beth apportait de la tension, Izzy Glaudini insuffle une forme de flottement kraut et de rêverie mécanique qui fait écho au meilleur de la minimal wave californienne.

Cela dit, l’album n’est pas exempt de faiblesses, à force d’enchaîner les morceaux à haute intensité, la seconde moitié souffre d’une certaine uniformité rythmique. La tension constante laisse peu de place à la surprise, et certains titres se fondent un peu les uns dans les autres. On aurait aimé davantage de respirations, plus de ruptures franches pour renforcer l’impact global. Mais ces limites restent marginales face à la cohérence et à la maîtrise affichées tout au long de ces dix pistes.

Yes, Please est finalement un album qui s’impose comme une synthèse mûrie de ce que Sextile sait faire de mieux : faire danser l’ombre, rendre le béton incandescent et prouver que les frontières entre post-punk et techno n’ont jamais été aussi poreuses. Un album dense, organique et urgent, qui confirme que Sextile est l’un des rares groupes capables de faire dialoguer le dancefloor et un univers trashy avec autant d’allant.

https://sextile.bandcamp.com/album/yes-please

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