Vous vous appelez Girls In Hawaii, votre nouvel album s’appelle Everest, petits vous étiez doués en géographie, ou juste fans de cette matière ?
Fans de géographie, oui. Fans de voyages, et fort en géographie oui ! C’est une matière qui m’intéressait vachement. J’ai appris tous les cours d’eau de Belgique, c’était l’enfer, il y en a plein, et les 17 provinces belges qui ne servent à rien mais qui existent quand même. Et mon père était un peu scientifique dans l’âme, donc ce genre de truc géographique ça m’intéressait. J’aime bien comprendre les choses.

Esprit scientifique donc ?
-Oui, ce n’est pas forcément celui que j’ai le plus développé mais ça fait partie de moi, c’est un peu une constante chez moi. Mais géographique c’est un joli terme, cet album il est assez géographique.

Pour la tournée de cet album vous avez complètement changé la scénographie, n’est-ce pas ?
Complètement. En fait pour les deux premiers albums c’était rempli d’images, de télés, d’écrans… On travaillait avec un ami à nous qui s’appelle Olivier Cornil, qui est photographe et qui a commencé le groupe en même temps que nous mais comme membre visuel. Et c’était super mais au départ la vraie raison des projections c’était de la timidité en fait, le fait de ne pas se trouver assez intéressants, pas assez visuels, d’être gênés d’être devant des gens avec des lumières, et donc de se dire qu’on va un peu faire diversion. Et ça nous a bien servi au début, et puis petit à petit on commençait à parfois trouver ça envahissant, une tournée où les gens sont à moitié au cinéma à moitié à moitié en concert. Donc pour cette tournée ci, pour cet album ci, on avait de toute manière envie de voir les choses vraiment différemment, que ça ne ressemble pas trop à avant, on avait envie un peu de prendre le contrepied, c’était important pour nous. Bon après on avait besoin de faire quelque chose visuellement, on avait envie de faire quelque chose visuellement, notre musique est très visuelle. Visiographique, c’est un terme qui marche mais visuelle c’est le premier terme que souvent on lie à notre musique. Et puis on avait envie que l’attention soit ramenée sur nous, on avait envie d’apprendre à assumer ça, de se montrer plus. On avait un nouveau batteur, un nouveau claviériste, nous on n’avait pas joué depuis super longtemps, c’était un peu un groupe phase n°2, on avait besoin de se roder. Et vu que l’album n’était pas du tout prêt on n’avait absolument pas eu le temps de penser à du visuel, et on a fait énormément de dates, juste nous en fait. Et on a eu beaucoup de retours positifs, de gens à qui ça plaisait de nous voir plus en fait. Et puis nous ça nous plaisait bien aussi, ça nous oblige à devoir aller plus chercher les gens, à donner plus, que quand il y a douze télés qui font un peu le spectacle pour toi.

 

Et ce soir vous jouez dans la chapelle Saint-Jacques, vous avez déjà joué dans un tel lieu, dans quelque chose de comparable ? Parce que ça colle bien à votre musique.

- On a déjà fait quelques dates dans des lieux vraiment particuliers, on a fait des dates en prison, je crois que c’est le lieu le plus dingue dans lequel tu peux jouer, à part dans l’espace (rires). C’est notre trip, de faire comme Muse, on va faire un concert dans l’espace. C’est marrant parce qu’on a joué il y a quelques jours dans une espèce de crypte gallo-romaine en Italie, sous terre, vraiment comme une église, toute en pierre, tu claquais dans les mains il y avait 4 secondes de réverbe, on s’est dit que c’était hyper beau et qu’en même temps musicalement ça allait être le carnage, et en fait ça a bien marché. Du coup on est confiant pour cette date là. On est content, le lieu a forcément un impact assez énorme sur le concert. Surtout émotionnellement, après au niveau du son je sais pas trop ce que ça va donner, c’est jamais aussi facile que dans une salle, ce n’est pas prévu pour. Mais je crois que ça va être assez trippant.

Vous revenez avec un nouvel album, cinq ans après le précédent, des nouveaux musiciens, une nouvelle formule sur scène, c’est aussi la première fois que vous enregistrez en studio… le résultat est donc très différent ?

- Il est quand même différent, au niveau du disque, au niveau de la production et de son aboutissement, des sons, du mixage, toute la réalisation de l’album en fait, on est vraiment hyper content cette fois-ci, on ressort moins frustré que pour les deux autres. Pour le premier et le deuxième, ça avait été un long parcours du combattant, on voulait faire beaucoup les choses nous-mêmes, les diriger, on n’était pas toujours assez bien entouré ou on n’avait pas le sentiment d’être bien entouré, donc c’est un réflexe qu’on a pris, de faire beaucoup les choses nous-mêmes et d’accepter de les recommencer 10 ou 15 fois jusqu’à ce que ce soit bien. On avait aussi envie d’un cadre qui nous fasse quelque chose en fait, qui ait une âme, qu’il y ait une ambiance particulière. Les studios qu’on a visités souvent c’était à moitié des salles d’hôpital, c’est hyper froid, c’est stérilisé. Et pour cet album ci effectivement, comme je disais on a pris le contrepied donc on avait envie de tenter une fois l’expérience en studio. Il se trouve qu’on a trouvé un studio à La Frette, près de Paris, qui est un ancien manoir, enfin une espèce de grosse baraque cossue du début du siècle qui est complètement incroyable et qui a été transformée en studio donc on n’est pas dans le studio tout froid, toute la maison a été conquise petit à petit par le studio, c’est parti de la cave, et il y des prises, des possibilités d’enregistrer et d’écouter dans toutes les pièces de la maison, jusqu’aux toilettes, c’est rigolo et c’est hyper créatif comme univers.

- On a fait ce disque en trois semaines alors que les autres on avait chaque fois mis deux ans, donc c’était vraiment très différent. On n’a pas dû refaire 15 fois les morceaux … On a fait très direct en fait. Ça nous rassure sur l’idée de refaire d’autres disques en fait. A la fin de notre premier et de notre deuxième disque, à chaque fois on était à bout de nerfs, on mettait 2-3 ans pour s’en remettre, avant de se relancer dans un disque, ce qui fait qu’il y a vraiment un gros laps de temps entre les disques. Ici ça nous a vraiment paru beaucoup plus simple et évident de faire un disque, moins dans la douleur. Là nous étions vraiment repartis d’un groupe qui n’existait plus vraiment, qui avait vraiment traversé une passe difficile donc ça a mis vraiment du temps avant d’être prêt à aller en studio. On a rencontré Luuk Cox, qui est le mec qui a produit le disque, qui était en studio avec nous, et qui a juste écouté tous les morceaux, et qui nous a dit « c’est un terrain de jeux magnifique, on va s’amuser comme des fous, il y a plein de trucs à faire ». Donc ni lui nous ne savions exactement quels morceaux on allait travailler. Et comme le groupe n’existait plus vraiment et qu’au départ on faisait vraiment ces séances de studio pour voir, pour réessayer, du coup il n’y avait pas vraiment de pression, pas vraiment d’objectifs donc les choses se sont passées très naturellement. Et c’est pas évident d’avoir ça, quand tu essaies de provoquer ça c’est hyper compliqué. Mais si ça se trouve pour le prochain on voudra recréer ça et ce ne sera pas du tout possible, c’est vraiment un contexte particulier qui est vraiment précieux pour le disque.

Ok. Question spéciale Belgique : on a découvert qu’il y avait des brasseries dans la région, est-ce que tu as eu le temps de goûter les bières locales ?
On est arrivé ce matin, à 10h ou 11h du matin et on n’a fait que des balances donc non, mais là je goûte une bière qui s’appelle la 1664, qui à mon avis est assez locale et délicieuse. Aujourd’hui elle passe bien, hier on a bu que de la Heineken et de la 1664 et ça ne passait pas du tout. Non, je connais juste quelques bonnes bières françaises, qui sont des bières spéciales, mais qui viennent toujours plutôt du nord de la France. Il y a la Goudale qui est très bien, la Jenlain, et la 3 Monts. C’est les trois bières qui sont disponibles quasi partout en supermarché en France mais qui sont vraiment des bonnes bières. La 3 Monts c’est ma préférée. J’ai découvert ça avec des amis qui adorent la bière, j’ai déjà brassé quelques fois de la bière avec eux, et ils habitent en France depuis trois ans donc ils ont repéré un peu ce qui était bien et il me file leurs tuyaux.

Et pour continuer sur la Belgique, en tant que « pères » d’une certaine mouvance belge, est-ce que vous voyez des choses intéressantes aujourd’hui, est-ce que vous identifiez une « nouvelle scène belge » ?
Nous clairement on est des enfants de dEUS en fait, sans dEUS en Belgique… Pour nous c’est terriblement important, je pense qu’on n’aurait jamais osé prétendre faire de la musique et qu’il y ait un vrai niveau de qualité qui puisse s’exporter. Ça a donné vraiment une forme de confiance, enfin plutôt d’envie, d’énergie, l’idée que c’était possible. La Belgique c’est vraiment un tout petit pays, moi j’avais 14-15 ans quand dEUS sortaient leurs premiers disques et j’écoutais Nirvana, les Pixies, Radiohead et puis dEUS, et j’étais aussi fan de ce groupe que des autres. Je trouvais ça incroyable que ce soit belge, ils avaient un super accent, des bonnes gueules, ils faisaient des concerts partout en Europe…

On n’aurait pas dit des Belges en fait !
C’est complètement ça. Enfin si, on aurait dit des Belges parce qu’ils avaient quand même vraiment une spécificité. C’est pour ça que ça a autant marché, parce que c’était en même temps hyper curieux comme façon de faire de la musique, il y avait un peu de l’absurdité de la Belgique, un côté je m’en fous de tout, on fait comme ça et c’est bizarre mais c’est cool à la fois… Ca ça nous a beaucoup marqué, toute la scène flamande en fait, parce que il y a eu dEUs qui est le plus connu en France, mais il y a eu Evil Superstars, Mitsubishi Jackson, il y eu plein de groupes autour d’Anvers, il y avait une grosse scène flamande, dans les années 90/95/2000. Après on est arrivé à un moment où il y avait Ghinzu, Sharko, tout un ensemble de groupes en Belgique, une espèce de hype de la musique belge, notamment en France, en Suisse, en Italie. C’est super pour nous parce que ça nous a permis de faire plein de tournées, de voyager. Maintenant je crois qu’il y a eu un petit creux et que là il y a une recrudescence. Il y a quelques groupes en ce moment en Belgique qui sont vraiment incroyables. Balthazar, qui est un super groupe, on est hyper fan, c’est vraiment particulier ce qu’ils font. En fait on a été parfois un peu content d’avoir créé d’une certaine façon un mouvement de musique, ou en tout cas d’avoir participé à quelque chose mais du coup d’un autre côté à un moment on avait un peu l’impression que la musique de Belgique ça ne pouvait être que de la pop ensoleillée, le côté phénomène nous irritait un peu en fait. Notre deuxième album et puis là le troisième on a voulu partir loin de ça. Et puis Brains aussi, autre groupe qui est super. Et c’est déjà bien.

C’est intéressant d’ailleurs sur la Belgique, tu l’as dit le pays est très petit, des groupes belges on n’en connait pas tellement à l’étranger, mais par contre on connait plein d’humoristes, dessinateurs… J’avais lu une théorie sur le fait que la taille du pays lui donnait une existence presque absurde que c’est cette absurdité là qui se retrouvait dans l’humour belge.
C’est toujours entre quelque chose qui peut être très sérieux, avec une volonté de bien faire les choses, on est très ambitieux, et en même temps une forme de légèreté ou de ridicule permanent. Moi c’est ça que je vois, cette espèce d’équilibre entre les deux. Tu parles des humoristes mais en cinéma, des gens comme Benoît Poelvoorde ou Bouli Lanners, c’est vraiment l’exemple parfait. Bouli Lanners il a commencé il y a 20 ans dans une émission de sketchs qui s’appelait les Snuls, qui est complètement mythique en Belgique, et le générique c’était un grand tapis roulant avec des frites et des moules, leurs présentateurs c’était chaque fois des handicapés, c’était vraiment limite, et c’était pas dans un but social, c’était vraiment dans le but que ça ne ressemble à rien et que ça soit à mourir de rire. Ils ont eu plein de procès et de plaintes, il y avait un côté très Groland en fait. Bouli Lanners il était dans cette équipe là, c’était un vieux dégueulasse un peu foufou. J’aime bien ce genre de personnage qui est vraiment une réunion entre un truc qui peut être hyper touchant, poétique, émouvant, hyper réfléchi dans son cinéma, dans les gens avec lesquels il travaille, dont il s’entoure. Ces films, son avant-dernier, Eldorado, c’est vraiment un chef d’œuvre. Après la Belgique c’est vraiment un pays morcelé, et du côté flamand il n’y a spécialement ce côté là très humour, c’est beaucoup plus sérieux. Mais c’est pas négatif, en mode, en cinéma, en théâtre contemporain, en art contemporain ils sont hyper forts, ils croient énormément en ça, il y a beaucoup de moyens du gouvernement flamand.

Ce qui explique que vous ayez été plus influencés par la scène flamande, ils font de la musique plus sérieusement ?
En fait le côté absurde et un peu second degré c’est vraiment quelque chose qu’on a en nous et qui est belge, mais en même temps il y a un côté un peu wallon = écriture de blague, qu’on ne prend jamais au sérieux et c’est pas spécialement facile ou agréable à porter en fait. Donc ce côté absurdité, surréalisme, dérision de tout qui est belge on trouve ça marrant mais en même temps on le déteste par moment. Nous on se situe vraiment entre le côté plus flamand, qui a beaucoup d’ambition artistique, qui est parfois très sérieux et parfois du coup un peu prise de tête et ce côté absurde. Je crois que l’équilibre est entre les deux. Et en Belgique c’est tellement facile de passer d’un mouvement à l’autre, de mettre les choses ensemble en fait, parce que c’est un tout petit pays au milieu de tout, qui a une culture francophone énorme puisqu’on parle la même langue et qu’on est un tout petit pays à côté de la France, par la Flandre il y a une culture beaucoup plus anglophone ou allemande, il y a les cantons de l’Est… En fait on est coincé entre 10 pays donc c’est un grand micmac de trucs, un pot pourri, et c’est ce qui fait des projets intéressants et des résultats d’influences tellement diverses que tu ne sais plus trop d’où ça vient mais ça donne un truc tout neuf et tout bizarre.

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