Depuis plus de dix ans, Daniel Avery occupe ce territoire rare où la musique électronique n’est ni tout à fait club, ni vraiment ambient, mais un espace intermédiaire, vibrant, traversé par l'électricité du monde moderne.
Tremor poursuit cette exploration avec une intensité nouvelle. Là où l’album Ultra Truth étirait la mélancolie dans des nappes brumeuses, ici tout semble redescendre dans le corps : la terre tremble, les structures vibrent, les pulsations se fissurent. Ce n’est plus la grande image nocturne, c’est la secousse au cœur ou l'onde qui s’insinue sous la peau.
Dès les premières minutes, on comprend qu’il ne s’agit pas d’un disque conçu pour réconforter. Daniel Avery travaille des matières rugueuses, basses bourdonnantes, rythmes qui s’effritent, drones comme des sirènes souterraines. Mais jamais dans l’esbroufe : chaque son semble respirer, hésiter, puis s'imposer, comme une machine organique qui prend vie. La tension n’est pas flamboyante mais rampante, presque sourde, et c’est précisément ce qui la rend fascinante. On ne sait plus si l’on danse, si l’on retient son souffle, ou si l’on observe le monde vaciller depuis une pièce obscure.
Tremor, qui signifie tremblement en anglais, n’est pas qu’un titre car l’album épouse réellement l’idée de secousse, d’instabilité. Les rythmes avancent sans chercher de terrain plat, parfois bancals, comme si Daniel Avery enregistrait la vibration d’un sol instable. On y retrouve sa science du contraste : des mélodies fragiles qui apparaissent comme des filaments, puis s’éclipsent sous une masse sonore granuleuse. La beauté naît ici du trouble,de cette tension où l’on pressent la chute, mais où rien ne se rompt, comme si le monde retenait son souffle.
Daniel Avery ne cherche pas la montée spectaculaire, ni le grand vertige synthétique. Il installe un climat. Une nuit en mouvement, sans horizon certain. Et pourtant, loin du simple exercice austère, l’album garde une dimension humaine, presque tendre par moments : des voix filtrées comme des souvenirs, des accords suspendus, une respiration fragile derrière les machines.
Tremor, au fond, parle de survie intérieure et Daniel Avery signe là un album exigeant, mais jamais fermé sur lui-même. Un disque qui ne lisse rien, ne simplifie rien, et trouve pourtant une forme de beauté dans l’instabilité. Comme si, dans le tremblement, on apprenait à marcher autrement.