Cinq ans après The Slow Rush, Kevin Parker revient avec Deadbeat, cinquième album de Tame Impala et premier sous le label Columbia Records. Un disque qui s'éloigne définitivement du rock psychédélique des débuts pour plonger dans la dance-pop et la house music, inspiré par les bush doofs australiens, ces fêtes nocturnes clandestines organisées dans la nature. Mais derrière les rythmes de club se cache un Kevin Parker plus vulnérable que jamais, jonglant entre paternité et doutes existentiels.

L'homme de 39 ans, devenu père, a passé du temps dans la fameuse Wave House de Perth où il avait enregistré son premier album il y a quinze ans. Ce retour aux sources symbolique irrigue tout le disque, mais plutôt que d'y puiser de la nostalgie heureuse, Kevin Parker y creuse ses obsessions : l'autodépréciation, l'isolement social, l'incapacité à maintenir des liens. Depuis Innerspeaker, le musicien australien ressasse les mêmes thèmes : les boucles temporelles, les retours en arrière, le sentiment de stagner. Sur l’album Deadbeat, cette complainte atteint son paroxysme : Kevin Parker se présente comme un "loser", un raté perpétuel coincé dans un cycle de mauvaises habitudes.

Le morceau d'ouverture "My Old Ways" donne le ton : la voix fragile de Kevin Parker résonne sur un piano dépouillé avant qu'un groove disco-house ne s'installe progressivement. Cette construction en couches superposées rappelle que Kevin Parker reste un producteur hors pair, mais les textes parlent de régression et de culpabilité. Le contraste est saisissant : des productions léchées au service de textes qui se vautrent dans la thématique de l'échec.
"Dracula" illustre parfaitement cette dualité. Inspiré par le travail de Quincy Jones sur Thriller, le morceau déploie une ligne de basse mordante et des synthés flamboyants tandis que Kevin Parker se compare à un reclus trouvant refuge dans l'obscurité. Les paroles oscillent entre l'absurde et le romantisme désespéré. C'est aussi ridicule que drôle et étrangement touchant à la fois.

Mais c'est sur le titre "No Reply" que Parker atteint le sommet de l'auto-flagellation bon enfant. Sur un rythme lo-fi teinté d'amapiano, il énumère ses angoisses sociales. Cette tentative d'introspection vire au cliché du "mec ordinaire qui se trouve nul", un territoire déjà bien balisé de l’indie rock masculin.

L'album fonctionne mieux quand Kevin Parker endosse pleinement son costume de pop star et délaisse les longues expansions house. "Oblivion" surprend avec son rythme dembow et ses synthés planants, tandis que "Piece of Heaven" évoque un Brian Wilson influencé par le Midnight Love de Marvin Gaye. Ces moments de grâce R&B années 80 révèlent un Kevin Parker libéré de sa tendance au maximalisme.

Le titre de clôture "End of Summer" capture le mieux l'esprit des bush doofs qui ont inspiré le disque : une odyssée techno baléarique aux synthés mémorables et au tempo posé. Mais même ici, les paroles parlent de procrastination et de temps perdu. Kevin Parker transforme son épuisement en marque de fabrique, vendant son mal-être comme d'autres vendent du glamour.

L'album Deadbeat pose finalement plus de questions qu'il n'apporte de réponses. Kevin Parker a-t-il sacrifié la cohérence et l'âme de ses premiers travaux pour un vernis plus commercial ? Est-ce encore Tame Impala ou Kevin Parker jouant le rôle de "Tame Impala" ? Le producteur qui a travaillé avec Lady Gaga, Rihanna et Dua Lipa semble désormais jouer le jeu de l'industrie plus que jamais avec DJ sets surprise, événement sponsorisé par Spotify, son visage en couverture pour la première fois.

Au final, Deadbeat sonne comme un disque reflet d’une certaine fatigue, image fidèle d'un artiste qui avoue lui-même que sortir un album est "chaotique" et qu'il essaie "de s'accrocher de toutes ses forces pour traverser cette période difficile". Cette fatigue imprègne chaque recoin du disque, pour le meilleur et pour le pire.https://www.tameimpala.com/

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