Pour vous présenter la nouvelle édition des jardins Synthétiques, nous avons rencontré Bastien Rabois, programmateur de ce festival toulousain hors norme qui marie habilement la musique, les arts plastiques, la danse et même la poésie ! En attendant d'en connaitre un peu plus sur les jardins synthétiques, Albatros (nom de dj de Bastien rabois) nous dévoile ici un mix exclusif :
JARDINS SYNTHÉTIQUES X NOVORAMA by Albatros on Mixcloud
Pour toi, Jardins Synthétiques c’est un esprit et une ambiance qui n'appartient qu'à lui. Comme tous les festivals tu me diras!
Je pense que l'aspect pluridisciplinaire du festival, qui est notre socle, permet d'attirer un public large et curieux.Tous les publics peuvent s'y retrouver et se rencontrer, justement parce que dans la même journée tu pourras voir plusieurs expositions, un spectacle de danse contemporaine et le soir vibrer sur un concert. Nous sommes essentiellement au musée Saint-Raymond, dans un lieu assez petit du centre ville de Toulouse. Sa cour extérieure est un vrai paradis, comme niché sur une île en plein milieu de l'urbanité bruyante. Son intérieur, ses collections et sa scénographie valent le détour. C'est à la fois moderne et adapté à l'art antique! La contrainte de taille du lieu devient une force dès lors que cela permet d'avoir un vrai public curieux et fidèle et que ça facilite les rencontres.
Il n'y a pas d'espace VIP ou espace Pro, on s'en moque. Du coup les artistes, le public et les organisateurs se rencontrent facilement, c'est assez excitant. Et chacun s'en rappelle pour l'année suivante. Faut venir une année. L'atmosphère est autant détendue que la programmation se veut cool et réflexive.
Ce qui différencie Jardins Synthétiques des autres festivals c’est qu’il n’existe pas de festival comme le nôtre. On programme dans le patrimoine architectural Toulousain une large variété de la création actuelle (arts plastiques, musique, danse, vidéo...).
Cette année, c'est au Musée Saint Raymond - musée des Antiques de Toulouse, Chapelle des Carmélites, Fondation Espace Ecureuil. Ça pourrait être complètement antinomique et pourtant ça a du sens parce que nous créons - et c'est primordial - un lien intime entre le lieu, ses collections et la programmation. Pour les arts plastiques, on fait chaque année un appel à projet et la sélection se fait notamment sur comment les propositions intègrent le lieu ou les oeuvres du lieux. Lors de la 1ère année, Verena Chomet Durin a créé des nez en plâtre complètement diformes qu'elle a apposé devant des bustes d'empereurs antiques. Du coup, leur statut très éloquent s'en est trouvé chamboulé et ils sont devenus comiques.
Autre exemple, Arandel et Gabriel Desplanques sont venus en micro-résidence pour travailler un ciné-concert unique dans lequel la Chapelle des Carmélites (Chef d'oeuvre méconnu des toulousains) qui a été filmé et dont l'image a été retravaillée pour la projection dans ce lieu.
Des exemples comme ça il y'en a beaucoup et je suis certain que le public apprécie de (re)découvrir le patrimoine sous un angle plus vivant, rafraîchi et bigarré. Nous sommes disciplinaires par essence et par conviction depuis le début. À l'époque, certains nous riaient au nez parce que ça semblait impossible de donner autant d'importance à la musique qu'aux arts plastiques ou qu'à la danse dans un seul et même évènement. Certains ne savaient pas dans quoi nous classer: festival du patrimoine, festival d'arts plastiques, festival de musique? Aujourd'hui, la pluridisciplinarité est reconnue et encouragée et c'est tant mieux. C'est déjà une bataille bien engagée.
Enfin, faire de l'action culturelle dans le patrimoine en le mettant au coeur du projet est devenu une norme. C'est plutôt bienvenu.
Le plus dur quand on est programmateur c’est de faire une programmation qui ai de la personnalité (et personnelle) autant qu'elle soit fédératrice. C'est pas si évident.
Comme n'importe quel programmateur en festival ou salle, j'ai une shortlist conséquente qui ne cesse de grandir, d'être actualisée selon les sorties et ce que je découvre à gauche et à droite. Et avec cette shortlist, je compose selon plein de critères obscurs et secrets notés avec des signes graphiques et codes couleurs dans un carnet que je cache aux yeux de tous... hahaha.
Plaisanterie mise à part, je n'aime pas la répétition (pourtant je suis un enfant de la techno...) et donc chaque année je ne programme pas avec la logique de l'année passée, et je remets tout à plat. Prendre des risques, proposer des projet inconnus et en même temps être viable c'est le plus complexe en fait.
Le choix le plus difficile que tu aies eu à prendre pour cette édition c’est ne pas faire Jouer Austra pour des questions budgétaires. C'est le revers de la médaille quand t'es programmateur.
Ta plus grande fierté de cette édition c'est d’abord que le festival se maintient depuis 6 ans. Ce n’est pas une fierté personnelle mais pour toute l’équipe, qui développe les liens nécessaires avec les institutions, creuse pour voir où on va pouvoir aller et organise sa mise en oeuvre au long de l'année.Dans le contexte actuel, c'est pas évident, il en faut pour y arriver.
Ce qui d'après toi définit un bon festival c’est que peu importe sa taille, il faut créer un esprit, ce petit truc que tu sais que tu vas retrouver avec délectation chaque année. Je pourrais te citer 1000 festivals où tu as juste l'impression d'être parqué et condamné à boire de la bière coupée à l'eau. Bizarrement, ce sont ces mêmes festivals où on te sert sans aucune grâce ces mêmes artistes que "le même festival" dans une autre région.
À l'inverse, t'as plein de festivals qui insufflent un quelque chose dans l'air propre à lui. Ça tient à l'équipe qui l'organise, au lieu et à la programmation. Et je vais pas me priver de citer La Route du Rock (un des seuls gros que j'aime), Les Siestes Electroniques, Baleapop, Vie Sauvage, Transient, Maintenant, Villette Sonique et tous ceux qui vont se créer sur de nouveaux modèles plus artisanaux mais bien faits. C'est l'avenir selon moi. Le "gros festival" dans son idée même a vécu.
Et puis "un bon festival", pourrait être celui qui se renouvelle, qui innove, qui propose déjà ce qui demain sera normé. La plupart des festivals reçoivent des subventions pour exister. Alors que ces subventions servent davantage à nous éveiller avec des propositions intéressantes qu'à nous abrutir avec toujours la même soupe indigeste.
Ton gros coup de coeur de cette année c'est l’ensemble des artistes du festival. Ils le sont tous sans exception. Donc je les nomme tous :
Musique : Turzi / Maestro / Cargo / High Wolf / Orka / Gordon / Odei / Radiator / Vidéotape / Crypto Tropic / Ovend / Flogo
Arts plastique : Ludwig / Juli About / Amy Fischer / Aymeric Hainaux / Samuel Hense / Antoine Meyer / Nolwenn Michel / Keita Mori / Jérôme Possoz / Isabelle Rochemars / Barbara Schröder / Philippe Mohlitz / Andy Goldsworthy / Basserode
Danse contemporaine : Cie Lilie Catharsis / Lorenzo De Angelis / Conservatoire à rayonnement régional de Toulouse
Performance poétique : Jean Luc Aribaud
Le dernier vinyle et/ou CD que tu as acheté, c’était Roger West, le side project de Somaticae sur In Paradisum Rec. Il est un peu dingue Amédée. Il a fait un hommage très personnel à la Dance des années 90... Le mec est génial, il ne se prend pas au sérieux et en même temps, il connait largement son sujet, a même fait une étude poussée sur le milieu des Raves et sait faire preuve d'une grand finesse.
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Le dernier live qui t'a scotché c’était Maestro, Savages, Tom Terrien et Sound Sweet Sound.
La dernière fois qu'on t'a dégouté des concerts c’était Arandel mais c'est pas de sa faute. Ses concerts sont à écouter. C'est précis et il faut tendre l'oreille. C'est un musicien, pas un bidouilleur de clavier midi. Quand il a joué à Jardins Synthétiques, c'était un live assez introspectif qui méritait une attention particulière. Les gens attendaient que ça "tape" et ça criait "allééée", ça discutait à voix haute etc. Aucun respect. Bref, j'ai engueulé des gens qui n'ont pas compris pourquoi. Je me suis dis : Ok, soit j'arrête, soit on va faire jouer des DJ techno pour consommateur de MDMA". Avec ça ils s'envoleront au moins".
Pour moi c'est super important d'écouter un concert. Tu te prends des jets parfois c'est énorme. Et ces gens m'ont cassé à ce moment là la symbiose que j'avais avec le groupe sur scène.
La dernière fois que tu as vomi à un festival c’était il y a bien longtemps. Je ne vomis plus. Je ne reste pas devant le concert que je trouve être une arnaque. Si tout le monde fait pareil, on comprendra que parfois, ce qui nous est proposé est à vomir.
Ton mot d'ordre pour cette édition 2015, c’est #share your fluo? Non c'est trop "so 2010" et c'est moche.
En vrai je sais pas, faut demander au public :-)
A ces heures perdus, Bastien Rabois est aussi producteur de musiques électroniques sous le doux nom d'Albatros. Pour l'occasion, il nous a concocté un voyage à tir d'aile façon Jardins Synthétiques à écouter sans modération en haut de cet article.
On vous fait gagner des places dans notre agenda !