Un autre monde. Oui mes amis, un autre monde est possible. Un monde fait de tulipes géantes rougeoyantes, d’arbre des vœux flamboyant, de château hanté par les flammes, de sculptures tout droit échappées du Labyrinthe de Pan, d’araignée musicale pyromane, de licorne, de phénix ou de femme à trois têtes.
Avant de narrer ce rêve, un peu de sommeil a été nécessaire. Explications…
Tout a commencé avec un lapin blanc. Programmation précise sans faux pas mêlant les bonnes humeurs et énergies folk, reggae et pop à la fleur de l’électro, de la dubstep et de la DnB. Le tout ponctué avec fraîcheur par des curiosités fusion glanés aux quatre coins du Royaume.
Mais ce lapin n’est pas tout blanc. Il aime le fantasque et a choisi la thématique du fantastique pour les costumes. Samedi, on est convié au bal masqué.
Un oiseau bleu (selon le manifestant, d’épouvantail selon la police) remplumé grâce à la tournée des charity shops (Emmaüs locaux) comme avatar. Train, train encore, ferry puis navette pour atteindre la cité perdue.
Une fois tombé dedans, comme pour la jeune fille aux cheveux blonds, le programme est tout naturel : vagabonder avec allégresse sans penser à demain, goûter aux produits des fermiers locaux avec gourmandise et appétit, danser dans la boue chaussé de « Wellies » en hommage aux moutons et aux papillons, gober quelques vodkas gélifiées achetées sous le manteau dans la fosse […]
Désolé pour cette mesure du CSA mais comme un bon film, ça ne se raconte pas. Croyez-moi simplement, ce festival est fait pour vous. Tellement fait pour vous les amis que je vous ai même croisé… Kangourou, Tortue Géniale, Alf (non bodybuildé), Tagata la Tueuse de mouches, Machete, Jean-Michel Jarre et Craig David (va falloir trouver un autre costume pour l’année prochaine par contre) et encore beaucoup d’autres créatures restées non identifiées à ce jour.
Séééééééééééérieux ?!
Et le son là-dedans ? Les groupes ont eux aussi évidemment participé à la fête. Comme l’ambiance n’est pas à dire du mal de qui que ce soit, passons directement aux meilleurs moments.
En tête de liste, The Flaming Lips et leur show lumière-cotillon-lyrics rayon de soleil constituent la parfaite bande originale des festivités. Le morceau Do You Realize restant gravé à jamais dans la tête par la beauté des son texte et sa mélodie pleine de douceur.
The Prodigy aussi ont régalé, toujours fidèles à leur image de défouloir jouissif intempestif. Reflets d’une génération où métalleux et fans d’électro sautent sur les mêmes ondes. Ces deux là, on les attendait et ils n’ont pas déçu.
Fever Ray se classait plus dans la catégorie curiosité. Son premier album éponyme, mis à part If I Had A Heart, ne m’avait pas vraiment pénétré, malgré de nombreuses tentatives. En live, quelques lanternes assurent une faible luminosité. Les musiciens se dissimulent, fantômes sonores. L’atmosphère intimiste possède immédiatement, permettant à tous les morceaux de s’incarner avec cohérence.
Fat Freddy’s Drop semblaient aussi dans leur jardin malgré les milliers de kilomètres parcourus pour rejoindre les bois. Les Néo-zélandais ont déballé leur talent et leurs jolis sons teintés de reggae, dub et jazz. Du bonheur en notes. Dans le même esprit tous sourires, Tunng a offert sa bonne humeur à un public conquis, dimanche en début d’après-midi. Prestation ponctuée par un solo de guitare électrique jovial, aussi bien pour Mike Lindsay que pour nous. Flying Lotus était lui programmé à une heure un peu curieuse pour lui (20h). Son set décousu est monté en puissance pour s’achever sur 4 derniers tracks au sommet.
Au rayon découvertes, quelques jours de pré-écoute ont permis de déceler quelques sexy chimères, disséminés sur une dizaine de petites scènes.
Three Trapped Tigers, trio rock à l’énergie (mais pas la rancœur) du métal emmené par un batteur pas chômeur, vaut le détour, notamment grâce à un synthé réellement innovant. A suivre.
Dizraeli et son hip-hop trempé jazz/blues ont confirmé après leur prestation remarqué à Glastonbury. Premier album Engurland déjà dans les bacs. Toujours dans le registre hip-hop fusion, Sound of Rum n’a pas encore de galette à distribuer. Trio gratte-batterie-voix phrasé fluide et réfléchi, la sincérité transpire. Pleure même quand il s’agit pour la jeune fille aux cheveux blonds (Alice ?) de répondre par quelques mots à l’accueil chaleureux lui étant réservé. Premier album espéré début 2011. Et pas sur une major. Elle l’a juré.
Pour finir, Gaggle ne nous a pas fait regretter un lever dominical épiscopal. La chorale colorée, composée exclusivement de femmes, nage dans les eaux d’Ebony Bones et de… Fever Ray. Parfois douces et souriantes, leur univers musical noir et arc-en-ciel côtoie également fantômes et apparitions. A revoir.
Côté dancefloor, High Contrast et Sub Focus se sont vu délivrer le titre d’ambianceurs en chef. Du premier au dernier son, ils savent entretenir la tension et envoyer du gros au bon moment. Et pas question de voix house mièvre polluante chez eux.
Dans ce monde nocturne, la pénombre réserve des surprises lumineuses. Rappelez-vous cette araignée pyromane évoquée en préambule. La bébête est la fantaisie incarnée en théâtre de la notre. Caractéristiques bluffantes : scènes sous les pattes, tête cabine de DJ et capacité à cracher du feu pour donner lieu à un spectacle pyrotechnique de haute volée. Ouf non ?
Après un feu d’artifice final et la combustion programmée de notre château, le Royaume de la fantaisie est gentiment retourné dans l’au-delà au rythme d’LCD Soundsystem. Chargés d’achever le travail dimanche soir, James Murphy et sa bande ont déchainé une foule encore pleine de ressources pendant 1h15. Quelques heures plus tard, toutes les créatures ont retrouvé la réalité, abandonnant leurs tuniques chatoyantes et les bois enchantés pour retrouver bus, ferry et civilisation.
Alors ce monde est peut-être éphémère mais on ne peut plus le dire utopique à présent. Et mes amis, j’espère vous y voir en chair et en os l’année prochaine. On vous attend déjà…
Texte et Photos : M.K.