Leon Michels aurait pu pousser le concept jusqu'au bout. Inspiré par l'esthétique visuelle des magazines Sports Illustrated des années 80 et 90, le maître des studios Legendary Diamond Mine choisit finalement la retenue plutôt que la surenchère thématique. Tant mieux. Car si l’album 24 Hr Sports ne verse jamais dans le délire sportif façon Jock Jams, soit ces compilations des années 90 avec hymnes de stades et tubes pour supporters de foot, il livre une fois encore cette recette El Michels Affair qui fonctionne si bien : une soul psychédélique réinventée avec des touches de jazz, funk et hip-hop, le tout nappé de sonorités vintage jamaïcaines et brésiliennes.
Le résultat donne Un patchwork cosmopolite assumé. Des États-Unis au Japon en passant par le Ghana et le Brésil, Leon Michels orchestre un tour du monde musical avec le brésilien Rogê, Florence Adooni, Shintaro Sakamoto et le Suginami Children's Choir. Cette diversité aurait pu créer un sentiment de dispersion, mais la patte analogique du producteur unifie l'ensemble avec une maîtrise impressionnante.
Les moments vocaux les plus marquants sont sans doute à trouver sur le titre "Say Goodbye" qui transforme Florence Adooni en diva soul sur un lit instrumental léché, tandis que le morceau "Take My Hand" voit les Fabulous Rainbow Singers porter un hymne spirituel sublimé par un solo de saxophone samplé de Rahsaan Roland Kirk. Plus discret, Leon Michels prend lui-même le micro sur le titre "Shining", voyage planant aux accents dub qui révèle ses talents cachés de chanteur.
Du côté des guests stars, Norah Jones et Clairo co-écrivent et interprètent chacune un titre.
Si leurs contributions restent dans leurs zones de confort respectives, pas à la hauteur de Visions ou Charm, leurs albums respectifs produits par Leon Michels en 2024, elles apportent cette douceur pop qui caractérise le son contemporain d’El Michels Affair. "Open Season" distille ainsi une sunshine pop floutée particulièrement réussie.
Côté instrumentaux, la règle est simple : plus la batterie frappe fort, plus le morceau se démarque. Le titre "Cortex" en est l'exemple parfait, démonstration de force rythmique particulièrement réussie. Le morceau "Oakley's Car Wash" , probable clin d'œil à l’entreprenariat de l'ex-star NBA Charles Oakley dans le Bronx, mise sur la décontraction avec un solo plongeant de Dave Guy (The Roots) qui élève le niveau.
Seul regret : certains morceaux comme "Eastside" et "Victory Lap" semblent attendre quelque chose qui n'arrive jamais. Mais c'est peut-être mieux ainsi : Leon Michels préfère la subtilité à la démonstration.
L’album 24 Hr Sports confirme que Leon Michels n'a pas besoin de concepts tapageurs pour briller. Sa science du groove et son oreille pour les collaborations suffisent à créer un album cohérent qui traverse les continents sans perdre son âme soul. Un disque qui respire, entre tradition et modernité.
https://elmichelsaffair.bandcamp.com/album/24-hr-sports