Avec chaque sortie, Graham Jonson, alias quickly, quickly, déconstruit les contours de son identité sonore. Après des débuts marqués par un hip-hop instrumental vaporeux, son premier album The Long and Short of It (2021) révélait déjà une évolution vers une écriture plus affirmée, entre jazz contemporain et songwriting sensible. En 2023, l’EP Easy Listening ouvrait la porte à des textures plus tropicales et psychédéliques. Mais c’est bien avec I Heard That Noise que Graham Jonson signe sa métamorphose la plus radicale.
Ce deuxième album délaisse les rythmes prédominants pour plonger dans un univers lo-fi d’une grande finesse, où la brume mélodique remplace la pulsation. Le morceau qui a donné son nom à l’album, délicate ouverture sur fond de piano et voix superposées, évoque l’intimité d’un Nick Drake passé au filtre numérique.

Des synthés pétillants s’y glissent avec légèreté, presque par surprise. Ce mélange d’onirisme et de simplicité traverse tout l’album.

Graham Jonson manie l’équilibre entre harmonie et chaos avec une rare subtilité et notamment sur le morceau Enything qu’on vient d’écouter, où les accords de guitare, simples et un peu traînants, sont interrompus par de brefs éclats dissonants ; puis le titre This Room juxtapose des guitares acoustiques presque murmurées à des basses grondantes et à une électronique cabossée. On pense parfois à Mount Eerie ou The Microphones, dans leur approche artisanale et mystérieuse du son.

Les références aux figures de l’indie des années 2000 sont nombreuses mais jamais écrasantes. Raven évoque l’intensité désespérée de Bright Eyes à l’époque de Lifted, tandis que You Are, pièce finale de près de huit minutes, déploie une grandeur discrète digne des meilleurs moments de Grizzly Bear.

Mais derrière ces allusions se dessine surtout la voix de Graham Jonson lui-même, plus personnelle que jamais. I Heard That Noise ne se contente pas d’être un exercice de style ou un hommage aux icônes de l’indie : c’est un autoportrait sonore, sculpté avec soin, où la chaleur, l’étrangeté et l’émotion se confondent. Le producteur laisse place au conteur, et l’orfèvre du son devient aussi celui du sentiment.
Un album aussi discret qu’ensorcelant, qui marque une étape essentielle dans le parcours d’un artiste en constante évolution.

https://quicklyquickly.bandcamp.com/album/i-heard-that-noise

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