On retrouve le producteur anglais Aaron Jerome avec son projet SBTRKT, que le monde a découvert pour la première fois au début de la dernière décennie avec un son post-dubstep fantomatique qui faisait également écho à l’âme électronique de Massive Attack.

L'album éponyme SBTRKT en 2011 a agit comme une sorte de révélateur pour les chanteurs qu’il y a invité, de Jessie Ware (dont je vous ai parlé la semaine dernière pour la sortie de son cinquième album), à Sampha, qui a remporté le Mercury Prize pour son oeuvre en solo et a continué à chanter avec Drake ou encore Kendrick Lamar. Une trajectoire de stars que n’a pas tellement suivi le producteur Subtrakt, bien caché derrière son masque tribal.

Par la suite, Aaron Jérôme s'est montré encore plus discret. Hormis 25 minutes de musique en 2016, ce nouvel album The Rat Road est sa première sortie d’album en dix ans. Il se ratrappe alors avec 22 titres qui donnent l’impression d’en proposer encore plus alors qu'il navigue activement entre les sons et les cadences au sein d'un seul et même morceau. Il confie qu'il a écrit environ 1 500 morceaux depuis son dernier album et The Rat Road ressemble à un condensé de toutes ces idées en un seul disque.

Et cela peut rendre l'écoute frustrante, car certains de ces titres prennent la forme d’interludes ne dépassant que rarement la minute d’écoute, comme avec les accords de clavier bourdonnants du titre Rain Crush sonnent comme une introduction intrigante pour un morceau complet, mais ils s’évanouissent après 30 secondes pour laisser la place à un autre titre. Aussi, quand le vétéran du Grime D Double E propose un couplet efficace qui semble bien nous mener quelque part, mais les rythmes attendus ne surviennent jamais.

Le titre "You Broke My Heart But Imma Fix It" reste pour sa part un peu plus longtemps à l’oreille, bien que ses synthés saccadés, ses claquements de mains frénétiques et ses voix déformées sont loin de représenter de l’easy listening.

Dans la promo précédant la sortie de l’album, Aaron Jerome a semblé frustré par l'état actuel de l'industrie de la musique ainsi que par l’état en général du monde. Il semble mécontent de l'idée de faire de la musique vouée à s'adapter aux listes de lecture Spotify, et a parlé d'un "sentiment d'épuisement beaucoup plus large" alimenté par le coût de la vie/la pandémie/le Brexit. Le résultat donne un album plein de tension et de nervosité, avec la voix moelleuse de Sampha déstabilisée par des coups de synthétiseurs comme des poignards et un étrange passage aux rythmes de carnaval sur le titre LFO.

D’autres segments valent la peine d’être rejoués pour qu’ils traînent plus longtemps, comme les breakbeats enflammés de You, Love et la belle présence de Leiláh sur le titre No Intention à l’atmosphère glaciale. Le voyage proposé par Subtrakt sur son nouvel album The Rat Road n'est pas des plus reposants, dès qu’on s’acclimate, le producteur Aaron Jerome part systématiquement dans une autre direction, mais au moins on ne s’y ennuie jamais.

https://sbtrkt.bandcamp.com/album/the-rat-road-album

 

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